"Je trouve que ça ne te va pas"
Elle m'avait fait du rentre-dedans tout au long des trente minutes qu'avait duré mon attente dans le salon de coiffure de son patron. Mon désintérêt pour ses manières d'allumeuse avait piqué sa curiosité.
"Eh bien moi j'aime beaucoup", dit-il à voix basse en se penchant vers moi. Pendant un court instant, nos deux visages se contemplèrent dans le miroir. Il avait magistralement dompté ma chevelure rebelle en un carré plongeant lisse qui flattait mon visage pâle et imberbe. Le jeune lycéen métalleux s'était évaporé. De son côté, son visage de trentenaire métis caramel affichait le sourire satisfait d'un enfant gâté qui a obtenu ce qu'il voulait. Et alors que je sentais cette nouvelle personnalité s'emparer de moi, il se tourna vers Mélanie et lui lança :
"J'ai chaud, va nous chercher un coca."
Elle s'exécuta, sortit prestement en direction du Spar cent mètres plus bas, et nous nous retrouvâmes seuls. Alors qu'il m'époussetait, je me rappelai subitement pourquoi j'avais pris rendez-vous dans ce salon précis, en toute fin de journée. Bien que je m'y préparais depuis plusieurs semaines, j'étais anxieux. Je rougis instantanément.
"Ça te plaît aussi, on dirait"
Je laissai échapper un rictus coupable.
Sa caisse, étroite et surélevée de son côté, était située contre un mur, attenant à la porte d'entrée du salon. Même assis, il me dominait de cinquante bons centimètres. La clameur de la rue, invisible de l'autre côté du mur, me fit réaliser que ce moment de flottement était presque fini. Je scrutai Dominique à l'affût du moindre signe de sa part pour régler ce que je lui devais.
"Ah je t'en ai laissé un là..."
Il chassa de son index un cheveu et, avec lui, le dernier vestige de ma dignité qui s'aggripait encore désespérément à ma joue.
Mes lèvres se desserrèrent avec un soupir tandis que nos regards se verrouillèrent. Il hésita un instant, puis fit glisser son doigt jusqu'à ma bouche. Ma respiration s'accélérait tandis qu'il dessinait mes lèvres de gauche à droite dans un va-et-vient lancinant. N'y tenant plus, j'effleurai ce vit de substitution avec le bout de ma langue. Immédiatement, il se glissa dans ma bouche. Je refermai mes lèvres de surprise, puis me repris en suçant maladroitement son index prisonnier. À ses protestations timides, je compris vite que je m'y prenais mal ou qu'il voulait autre chose. Désemparé, je décidai simplement de desserrer à nouveau les lèvres pour le laisser glisser à sa guise entre ma langue et mon palais. Il exhala de satisfaction, se mit debout en forçant ma tête à se pencher en arrière et, tout en tenant mon jeune cou immaculé d'une main, pénétra de l'autre ma bouche offerte jusque dans ma gorge. Surpris de nouveau, je fermai les yeux un court instant.